Mode & Plumes: les étoles en plumes

L’étole en plumes, signe de l’appartenance à une élite

Si « mon truc en plumes » de Zizi Jeanmaire évoque le caractère coquin des plumes vaporeuses dont les cabarets font un large usage, la plume sait aussi affirmer le statut social des membres de la haute société d’ici ou d’ailleurs, à l’image de ces deux élégantes de leur temps : la princesse hawaïenne Nahiennaena (1825) et la très britannique Edith Waugh (1868).

Sur ces deux portraits où chacune pose « en majesté », ces dames, pourtant géographiquement et culturellement très éloignées, ont en commun de porter toutes deux une luxueuse étole en plumes. 

À Hawaï

La princesse Nahiennaena porte le traditionnel « ‘ahu’ula », le manteau d’apparat de la noblesse hawaïenne.

Des milliers de plumes jaunes et noires du moho d’Hawaï (espèce d’oiseau aujourd’hui éteinte) et de plumes rouges de l’iiwi sont fixées une à une à une structure tissée en fibres végétales afin de former une cape dont les couleurs symbolisent la sacralité de la royauté locale.

Alors que le ‘iiwi est réputé pour son comportement bruyant et agressif dans la défense de son territoire, traits de caractère également attendus chez la caste dirigeante hawaïenne, la couleur rouge est associée aux dieux de la forêt et de la guerre. D’ailleurs, les dieux hawaïens étant réputés avoir le corps recouvert de plumes, la cape en plumes reproduit par analogie cet attribut lorsqu’un chef revêt ce vêtement.

En Angleterre

Edith Waugh est la belle-sœur et future seconde épouse du peintre britannique William Holman Hunt, cofondateur de la confrérie des préraphaélites (ce mouvement pictural visait à revitaliser l’art par l’observation détaillée du monde naturel). Edith porte une superbe étole en plumes, vraisemblablement bordée de fourrure. Ici, l’étole en plumes ne véhicule pas de symbolique particulière mais traduit l’aisance matérielle et donc la position sociale à travers ce vêtement luxueux.

Pour autant, de quelles plumes s’agit-il ? Je pense pour ma part au lophophore resplendissant paré d’extraordinaires plumes métallisées dans les tons de bleu, vert et violet. Originaire de la chaîne de l’Himalaya, il est l’oiseau national du Népal. Il est aujourd’hui strictement protégé. Mais ce pourrait également être les plumes d’une autre espèce de faisan, comme sur ce cache épaule datant du début du 20^ème siècle.

Pour finir en beauté cet article, je ne résiste pas à vous montrer la version XL de l’étole en plumes : le manteau n°82 créé par Yves Saint Laurent et présenté sur les épaules de sa muse Katoucha lors du défilé de Haute Couture en 1990 1991. Vautours, coqs et faisans ont « prêté » leur plumage pour cette réalisation exceptionnelle ayant nécessité, dit-on, plus de 350 heures de travail pour fixer chaque plume sur un support de mousseline ! J’ai eu le bonheur d’admirer cette œuvre icônique au Petit Palais à Paris lors de la rétrospective du couturier en 2010.

Que pensez vous de cette superbe photo ? N'évoque-t-elle pas une attitude plus combative que romantique, plus sensuelle que formelle ? Le vautour ou le coq de combat ne sont pas loin....on pourrait même penser que Katoucha invoque les esprits chamaniques anciens, ce qui nous ramène à la symbolique de puissance des oiseaux, si présente dans la mythologie hawaïenne !

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